Travail de nuit : les effets sur la santé
19 août 2010
Le simple fait de veiller quelques nuits par an ne présente pas de risques particuliers et certaines personnes supportent même assez longtemps des horaires atypiques. Si l’adaptation du travailleur à ces contraintes horaires est possible, le travail prolongé de nuit présente, toutefois, des risques pour la santé des salariés et entraîne des perturbations de la vie sociale et familiale.
Les effets sur la santé
Il existe une abondante littérature épidémiologique qui démontre l’impact négatif à plus ou moins long terme du travail de nuit sur la santé.
À court terme, les principaux effets sur la santé du travail de nuit ou en horaires alternants sont les troubles du sommeil liés à des facteurs chronobiologiques, et une dette chronique de sommeil. Le sommeil diurne est moins réparateur car plus court, perturbé par les éléments extérieurs, morcelé et caractérisé par l’absence de sommeil paradoxal. La consommation de médicaments pour aider au sommeil ou rester éveillé est plus élevée chez les salariés de nuit, variant en fonction de l’âge et de l’ancienneté dans l’entreprise.
Le travail de nuit entraîne également un déséquilibre nutritionnel des salariés de nuit et des troubles digestifs, résultant non seulement d’un facteur comportemental alimentaire (alimentation pauvre en fibres, plats industriels, consommation excessive de thé et de café notamment), mais aussi de facteurs chronobiologiques. Le travail de nuit posté est par ailleurs communément admis comme pourvoyeur de stress, de fatigue chronique et serait aussi responsable d’un risque accru de pathologie dépressive.
Les effets à long terme du travail de nuit et/ou en horaires alternants sont plus difficiles à prouver que ceux à court terme, du fait de biais dans les études épidémiologiques, en particulier de « l’effet travailleur sain ». Outre le volontariat, l’auto-sélection par la santé est en effet importante pour l’accès à un poste de nuit, puis pour le maintien sur ce poste. À terme, ces conditions de travail produisent néanmoins des effets indéniables sur la santé, sans qu’il soit possible de fixer avec précision un seuil limite d’exposition (5, 10 ou 15 ans) au-delà duquel les effets nocifs apparaissent de manière certaine, de nombreux paramètres (conditions de travail, tâche effectuée, mode de vie, âge, ancienneté) venant aggraver ou atténuer les conséquences de l’exposition aux horaires de nuit.
Les risques cardiovasculaires sont accrus, le travail de nuit favorisant certains facteurs néfastes, directement (stress secondaire à la dette de sommeil ou au sentiment d’isolement, par exemple) ou indirectement (hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, surpoids, tabagisme).
Enfin, diverses études, dont celle du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dépendant de l’OMS, font un lien entre le travail de nuit posté et la probabilité de cancers (notamment cancer du sein et cancer colorectal), en raison de la perturbation des rythmes circadiens et de l’affaiblissement des défenses immunitaires résultant d’une insuffisance de la mélatonine, du fait de l’exposition nocturne à la lumière. Les femmes se trouvent exposées à des risques spécifiques liés à la grossesse, un lien étant établi avec retard de croissance intra-utérin, prématurité et risque de fausses couches.
Plus globalement, le travail de nuit est à l’origine d’une sur-fatigue, provoquant à long terme une usure prématurée de l’organisme et une dégradation accusée de l’état de santé. Les effets irréversibles et incapacitants du travail de nuit peuvent se faire sentir au-delà de la vie professionnelle.
Les perturbations de la vie sociale et familiale
Les salariés travaillant la nuit rencontrent également des difficultés à gérer les décalages entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.
L’articulation entre travail et vie personnelle est rendue plus difficile en raison de la discordance entre ces horaires et les moments de disponibilité requis pour partager ses activités hors travail avec la famille et les amis. Le déphasage est en effet important par rapport aux rythmes généraux de la vie sociale, et particulièrement aux rythmes scolaires. À la longue, les discordances des emplois du temps tendent à s’accompagner d’une altération de la qualité des relations familiales et sociales.
Le développement des horaires de travail atypiques en général, et du travail de nuit en particulier, accroît les difficultés d’une vie de famille équilibrée. Peu de structures collectives d’accueil de jeunes enfants ont une amplitude d’ouverture suffisante pour répondre aux attentes de ces familles et les modes de garde individuels sont bien plus onéreux.
Par ailleurs, le problème se pose de la récupération physique dans une journée marquée par l’attention portée aux enfants, et les horaires scolaires le cas échéant, et par les charges domestiques, principalement dans le cas de familles monoparentales, les femmes étant plus particulièrement confrontées à un cumul de contraintes.
La question des transports représente également une difficulté encore plus prégnante pour les travailleurs de nuit souvent contraints à utiliser leur véhicule personnel, avec un risque accru d’accidents, du fait du manque de vigilance induit par la fatigue à la sortie de leur poste de travail.
Face à ces conséquences néfastes du travail de nuit, des entreprises, des branches professionnelles, des collectivités territoriales ont cherché à mettre en place des dispositifs d’aménagement des conditions de travail en prévoyant des alternatives au travail permanent de nuit ou l’optimisation du roulement et des cycles de travail, en portant les efforts sur l’ergonomie du poste de travail de nuit ou en expérimentant le sommeil de courte durée durant les pauses nocturnes.
RAPPORT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
LE TRAVAIL DE NUIT : IMPACT SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DES SALARIÉS
2010
Rapport présenté par
M. François Édouard